Mon ami géorgien s'appelle Tornike. Il se rend très disponible pour moi, fait montre d'une extrème générosité, m'emmène dans les meilleurs endroits de la ville et aime très fort son pays dont il parle sans relâche. Grand, mince à la peau claire, il est à l’image des jeunes géorgiens.
Ils s’épaississent souvent en prenant de l’âge jusqu’à devenir des armoires à glace. C’est important pour un homme d’être fort car les géorgiens sont agressifs et sanguins – ce sont des guerriers qui se sont battus depuis la nuit des temps pour résister aux invasions arabes, perses et ottomanes et préserver leur territoire. Le patriotisme est très fort et rien n’arrêtera un géorgien pour défendre son pays. Tornike me raconte en me montrant une tour dans la montagne, que dans une région du pays, chaque famille possède une tour dans son jardin, depuis laquelle les hommes tirent sur l’ennemi. De cete manière, ils ont toujours conserver leur bout de terre. Il me parle aussi de la guerre civile de 1991 après la déclaration d'indépendance et surtout de la guerre qui a éclaté en aôut dernier. Les russes sont entrés en Géorgie et ont attaqué les bases militaires ainsi que des civils (150 morts et 30 000 réfugiés) à 40 km de la capitale. L’UE a joué un rôle primordial, a fortiori notre président Nicolas Sarkozy qui a servi d’intermédiaire entre Moscou et Tbilissi et a fait signer un cessez le feu. Les conflits sont nombreux avec les pays voisins, certaines minorités et la situation est loin de se stabiliser...
Nous déjeunons tout en dégustant du vin géorgien. Son père possède également des vignobles et il m’explique que les géorgiens ont été les premiers à produire du vin. Le climat s’y prête tout à fait et le vin est exquis. Les géorgiens sont les rois du toast, on ne boit à table qu’après avoir porté un toast. Dans la montagne, on boit le vin dans des cornes ou des fusils… chargés. Un homme doit évidemment se soumettre à ses traditions et ne jamais mettre en doute sa force, sa loyauté et sa résistance. On ne plaisante pas avec un géorgien.
Je me suis leurrée sur la réalité de la Géorgie et de Tbilissi. Le côté libéral est occidentalisé est une pure façade, une tromperie optique. Il règne dans ce pays une grande misère sociale. Le travail se fait rare et est peu rémunéré, il n'y a pas de classe moyenne et les personnes âgées n'ont pas pensé à économiser de l'argent sous l'ère soviétique pour leur vieux jours. Je distribue des pièces aux mendiants que je rencontre et je récolte des remerciements par milliers.
Les femmes me parlent de leur situation, de leur culture et traditions. La femme géorgienne est très pieuse (orthodoxe), pure et obéissante, sous la domination masculine. Elle s'occupe de toutes les tâches ménagères et sort peu.
J'ai l'immense honneur de rencontrer la Princesse Abachitze, descendante du Grand Roi de Géorgie Hiéraclus II.
La Princesse me raconte, qu'en 1783, son aïeul a signé le traité de Giorgeuveski avec Catherine II pour établir la Géorgie sous la protection de la Russie et freiner les vélléités des perses, arabes et ottomans d'envahir le royaume géorgien tant convoité. Au lieu d'être fidèle à sa parole, la Russie envahit la Géorgie en 1800. La Princesse, m'ouvre les portes de son coeur et de l'histoire de sa famille qui a tout perdu à l'arrivée des bolcheviks sauf son âme. Son aïeule, la Princesse Orbeliani, tant décrite par Alexandre Dumas dans son livre "Voyage au Caucase", a mis au point une recette de délices aux noix et au caramel. Cette recette s'est transmise de mère en fille et à mon dernier jour, la merveilleuse Princesse nous offre à Tornike et à moi cette nourriture royale.
Elle seule possède la recette et voudrait en vendre à Paris pour lui assurer un petit revenu, je souhaite sincèrement qu'il y aura à Paris, une personne de bon goût pour s'intéresser à cette gourmandise de luxe.
Il me faut dire aurevevoir à mes amis dont la noblesse de coeur est identique et quitter ce pays auquel je me suis tant attachée. J'y retiendrai surtout l'hospitalité, la générosité démesurée et la solidarité des habitants. Leur fierté et patriotisme font aussi partie de leur charme et j'espère revenir le plus tôt possible.